La HAICA appelle à préserver les médias du service public de toute interférence politique
La Haute Autorité Indépendante de la Communication audiovisuelle (HAICA) a procédé au monitoring de la couverture, par la chaîne publique Al Wataniya 1, de la visite effectuée par le Président de la République dans le Gouvernorat de Sousse, diffusée dans l’édition principale du Journal télévisé du 4 octobre 2017.
La HAICA relève que cette couverture d’une durée de 4 minutes environ, qui a fait l’ouverture du Journal télévisé, comporte un reportage qui s’apparente à de la propagande et qui n’observe pas les règles de la profession journalistique. Il a été focalisé dans une large mesure sur des scènes de liesse populaire, ce qui n’est pas sans rappeler d’anciennes pratiques de mobilisation au service du culte de la personnalité avec son cortège de manifestations panégyriques et d’exploitation du potentiel des institutions publiques.
A aucun moment ce reportage n’a donné la parole aux habitants du Gouvernorat de Sousse ; il a occulté leurs préoccupations alors que la couverture de l’événement aurait du accorder une place conséquente aux questions de développement de la région.
La HAICA a par ailleurs pris connaissance d’un communiqué publié par des représentants de médias exerçant dans le Gouvernorat de Sousse dans lequel ils déplorent l’interdiction opposée à un certain nombre de journalistes du secteur public, en l’occurrence Radio Monastir, de couvrir l’événement, ce qui constitue une entrave à leur droit d’accès à l’information et une orientation vers un traitement orienté de l’information.
L’approche adoptée dans ce reportage s’est apparentée à de la propagande, d’autant que des entreprises privées et des personnalités politiques partisanes ont été mises en avant, alors que seulement quelques secondes ont été consacrées à la visite du Président de la République à deux projets menés par des institutions publiques.
La HAICA a également relevé dans le Journal télévisé de 20h du 3 octobre 2017, la citation d’un article publié dans un journal étranger, présenté sous le titre « Béji Caid Essebsi a créé un nouveau Printemps arabe », alors que la traduction exacte du titre original est : « Le prochain Printemps arabe en Tunisie ».
En plus de la traduction inexacte du titre, l’article mentionné ne contient pas forcément d’informations nouvelles qui puissent justifier sa citation dans l’édition principale du Journal télévisé. Ce constat porte à croire qu’il existe des tentatives sérieuses d’exploitation du Service de l’information de la Télévision publique pour servir les intérêts de la Présidence de la République, sans référence à des critères explicites.
Depuis le début de cette année, la HAICA a déjà mis en garde le Gouvernement par voie de correspondance officielle, contre l’existence d’indicateurs inquiétants quant aux relations du pouvoir exécutif avec les médias du secteur public.
La HAICA rappelle que dans ce contexte, elle avait rejeté à deux reprises la révocation unilatérale du Président Directeur Général de la Télévision tunisienne en violation flagrante du principe de parallélisme des formes et des procédures, y voyant des tentatives de l’exécutif d’orienter les contenus et de récupérer le secteur public de l’information pour l’inscrire dans la sphère de la communication gouvernementale. Elle met en garde contre toute atteinte à l’indépendance du média de service public et contre son exploitation au service d’agendas politiques partisans.
En conséquence,
La HAICA demande au Gouvernement de proposer des candidats parmi des personnalités reconnues pour leurs compétences et leur indépendance, en vue de pourvoir le poste de Président Directeur général de la Télévision tunisienne, conformément aux dispositions de l’article 19 du décret n ° 116-2011 de 2 novembre 2011, selon une procédure qui prévoit un Contrat d’Objectifs et de Moyens et qui définit les obligations et les normes de responsabilisation, afin de réformer ce média du secteur public conformément aux pratiques démocratiques.
La HAICA appelle également les Responsables de la Télévision tunisienne à revoir leurs méthodes de travail de manière à renforcer le rôle des journalistes dans la production des contenus, loin de toute influence et de toute pression, et à adopter des mécanismes d’auto-régulation à même de les aider à observer les règles et l’éthique de la profession.
La HAICA exhorte les journalistes à défendre leur profession et à préserver leur noble mission, en se gardant de se laisser entrainer par cette nouvelle tendance qui contrevient aux principes directeurs du secteur public de l’information, au premier rang desquels la préservation de l’intérêt public dans une totale impartialité et à l’abri de toute interférence politicienne.
Pour la Haute Autorité Indépendante
de la Communication Audiovisuelle
Le Président
Nouri LAJMI