Paul-éric Mosseray (CSA) : Le partage d’expériences au cœur de la mission du CSA belge en Tunisie
‘‘ Si le projet de jumelage entre la HAICA, le CSA et l’INA a pu voir le jour, c’est avant tout parce qu’une série d’acteurs tunisiens et belges se sont investis durant de long mois pour bâtir son socle et convaincre les institutions partenaires de se lancer dans le projet. Paul-Eric Mosseray en fait partie. Directeur de la transition numérique au CSA belge et chef de projet du jumelage, il souligne la richesse que représente ce projet pour son institution. ’’
Pourquoi le CSA belge a-t-il été choisi pour coordonner ce jumelage ?
Je dirais d’abord que le CSA belge cultive le partage d’expériences sur le plan international. Nous avons présidé des plateformes de régulateurs comme l’EPRA et le REFRAM et prochainement nous exercerons la vice-présidence de l’ERGA. Ensuite, nous connaissons bien nos homologues tunisiens et la confiance s’est ainsi installée. Nous avons déjà eu l’occasion de travailler ensemble dans le cadre d’une étude conjointe et de séminaires. Enfin, nous avons beaucoup de points communs. La taille de notre institution par exemple, un certain pragmatisme mais aussi une capacité de réactivité et de flexibilité.
Quelles ont été les attentes formulées par la HAICA dans cet appel à coopération ?
La HAICA est une instance jeune, mais elle a déjà fait un parcours considérable dans des domaines essentiels pour une nouvelle démocratie, comme le pluralisme politique en période électorale ou encore la prévention du discours de haine. Les attentes de la HAICA reposent surtout sur la volonté de renforcer ses capacités dans des domaines clés où elle n’a pas eu encore l’opportunité ou les ressources de se déployer. Parmi eux, on retrouve les procédures de monitoring et l’instruction des plaintes, la création d’un service d’études et recherches, la mise en place d’outils d’archivage audiovisuel plus performants, mais aussi le renforcement de la communication de la HAICA.
Quels seront les volets les plus conséquents ?
Ils le sont tous. La mise en place d’un service de recherches permet de nourrir les praticiens de la régulation, de coopérer avec le secteur académique, ce qui est fondamental pour rester pertinent dans les nouvelles questions auxquelles un régulateur des médias est confronté. La recherche permet aussi d’inspirer les législations futures. Le cœur du travail de la régulation, c’est aussi la surveillance des programmes, l’évaluation des missions et des obligations, et l’activité décisionnelle qui en découle. Le déploiement de nouvelles thématiques de surveillance des contenus comme le renforcement des procédures pour stabiliser le processus décisionnel est un chantier ambitieux. L’objectif sera de déployer les nouvelles thématiques dont la Haica fixera les priorités après une phase de diagnostic, comme par exemple, la protection des mineurs, la protection des consommateurs (la communication commerciale), ou encore la promotion de la diversité sociale et culturelle. L’archivage audiovisuel occupe une place importante. Il n’existe pas de vrai Centre de conservation et d’exploitation des programmes audiovisuels en Tunisie. Avec l’aide précieuse de l’INA, le déploiement d’une base de données d’archives audiovisuelles aura une utilité auprès d’un public très large. La communication d’un régulateur auprès du secteur qu’il régule et des citoyen. ne.s est enfin un exercice important, car elle assure la transparence de son action, qui est un prérequis essentiel pour asseoir une autorité crédible et légitime.
Quelle sera la méthode employée pour mettre en œuvre ce jumelage ?
En réalité, les membres du personnel du CSA attachés à la mission de jumelage vont devenir les collègues de leurs homologues tunisiens. Au total, ce seront 300 jours d’expertises et d’échanges à Tunis qui sont prévus dans ce projet, outre le temps de préparation et de suivi à Bruxelles ainsi que l’action essentielle d’un Conseiller résident sur place à temps plein. À cela viendront s’ajouter des visites d’études du personnel de la HAICA à Bruxelles. Il faut noter que nous en sommes encore au début de l’expérience. Jusqu’à présent, les membres du CSA ont été amenés à prendre place au sein de l’équipe de la HAICA, mais aussi à s’imprégner des réalités de travail, parfois déjà par des participations directes à des activités concrètes, en communication par exemple, et nous avons entamé une phase de diagnostic partagé. L’équipe du CSA belge est revenue avec une première impression positive et le sentiment qu’il y a, autour de ce jumelage, une réelle volonté de coopération. Enfin, il faut souligner qu’il s’agit pour le CSA de répondre à une demande de renforcer les capacités de l’Instance, d’appuyer son déploiement par toute une série d’outils à partager. Les choix stratégiques tout comme l’exercice de ses missions ou de ses décisions restent bien entendu de l’unique compétence de la HAICA.
On suppose que le CSA a dû se réorganiser vu l’ampleur du travail que représente ce jumelage ?
C’est effectivement un investissement conséquent, mais qui est compensé par le financement de l’Union européenne. Ce jumelage représente aussi un défi sur le plan organisationnel. 300 jours d’expertises, ce n’est pas rien, tant pour le projet que globalement pour le CSA. Et il faut souligner que pour les équipes de la HAICA, c’est également un défi considérable, car ce programme d’activités leur demande de la disponibilité et de l’engagement, parallèlement à leurs taches habituelles. Mais c’est aussi une opportunité de partage d’expériences, ce qui est une source d’inspiration pour toutes et tous. Si le CSA peut contribuer à renforcer la liberté d’information et à stabiliser un paysage des médias indépendants et démocratiques dans le processus de transition que connaît la Tunisie, ce sera une aventure dont nous pourrons être fiers.