De la diffusion des meetings politiques
Conformément aux dispositions du Décret-loi 116 du 02 novembre 2011 relatives à la liberté de communication audiovisuelle et partant des principes même du travail journalistique, les journalistes ont l’entière liberté -et responsabilité- de concevoir leur plan de campagne en période de couverture électorale. Ils ont toute la latitude de fixer librement les angles de traitement journalistique qu’ils réservent à cette campagne (faire une interview en face-à-face, organiser un débat entre candidats, analyser un programme, couvrir un événement tel qu’un meeting électoral, …). Cela relève bien évidemment de leur entière liberté éditoriale.
Cependant, et en vertu des principes énoncés par la loi électorale du 26 mai 2014 et l’arrêté conjoint ISIE-HAICA du 05 juillet 2014 et du Décret-loi 116, les médias audiovisuels sont appelés à assurer une couverture équitable, donner accès aux différents candidats et aux différents partis et leur réserver, dans leur plan de couverture, une place au moins proportionnelle à leur présence sur la carte électorale. C’est pourquoi, les médias audiovisuels sont appelés à respecter, dans tout type de couverture pour lequel ils optent, le principe d’une juste comptabilité des temps de parole et d’antenne des différents candidats et respecter ainsi les principes énoncés notamment dans l’arrêté ISIE-HAICA. Même s’ils ne peuvent pas appliquer scrupuleusement ces principes, ils doivent au moins le faire dans les grandes proportions prévues dans le cadre réglementaire. En tout cas, les rapports intermédiaires de la HAICA sur le pluralisme permettront de relever, le cas échéant, les déséquilibres et d’apprécier le degré de respect du principe de l’equité, inhérent à une couverture équitable des élections.
On peut toutefois rappeler que sur le plan de la pratique journalistique, la diffusion et la rediffusion in-extenso de meetings politiques sur certaines chaînes, comme nous l’avons constaté ces derniers jours dans le paysage médiatique tunisien, relèvent tout simplement et selon tous les spécialistes des médias, du degré zéro du journalisme. Cette pratique ne reflète en effet aucune créativité journalistique ni aucun effort visant à synthétiser, expliquer et présenter une information élaborée et qui répond aux critères de qualité à son public. Bien plus, ce genre de pratiques – qui peut d’ailleurs être assimilé à la publicité ou à la propagande politique, interdite en Tunisie (voir notamment l’article 45 du décret-loi 116 et de l’article 57 de la loi électoral du 26 mai 2014) .
Ceci étant, il est inévitable qu’une telle pratique entraînera, presque automatiquement, des déséquilibres préjudiciables en période électorale. Sous réserve de l’analyse des cas particuliers qui peuvent se présenter, cette automaticité pourrait d’ailleurs être considérée comme une circonstance aggravante. Sachant qu’à priori, en diffusant des meetings in-extenso, les radiodiffuseurs ne peuvent décemment pas ignorer qu’ils vont être en situation de déséquilibre .
Il est donc primordial que les médias se préoccupent davantage –au moins ceux qui ne l’ont pas fait jusqu’à présent-, de l’équilibre à assurer entre les catégories A, B, C et D (dont parle l’arrêté conjoint ISIE/HAICA) et de faire bénéficier tous les intervenants du principe d’équité énoncé dans les textes en vigueur. C’est ainsi qu’ils peuvent jouer leur rôle dans la prévention des inégalités entre les partis et éviter les tensions et la confusion. La qualité des médias et de leur travail se mesure aussi au rôle qu’ils jouent en faveur de la paix et de la démocratie.
La HAICA, 14 octobre 2014