Loi organique n° 2016-22 du 24 mars 2016

Loi organique n° 2016-22 du 24 mars 2016, relative au droit d’accès à l’information.

Loi organique n° 2016-22 du 24 mars 2016, relative au droit d’accès à l’information (1).
Au nom du peuple,
L’assemblée des représentants du peuple ayant adopté,
Le Président de la République promulgue la loi organique dont la teneur suit :
Chapitre Premier
Dispositions générales
Article premier – La présent loi a pour objet de garantir le droit de toute personne physique ou morale à l’accès à l’information afin de permettre :
– l’obtention de l’information,
– le renforcement des principes de transparence et de reddition des comptes et surtout en ce qui concerne la gestion des services publics,
– l’amélioration de la qualité du service public et le renforcement de la confiance dans les organismes soumis aux dispositions de la présente loi,
– le renforcement de la participation du public dans l’élaboration, le suivi de la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques,
– le renforcement de recherche scientifique.
Art. 2 – La présente loi s’applique aux organismes suivants :
– la Présidence de la République et ses organismes,
– la Présidence du gouvernement et ses organismes,
– l’assemblée des représentants du peuple,
– les ministères et les différents organismes sous-tutelle à l’intérieur ou à l’étranger,
– la banque centrale,
– les entreprises et les établissements publics et leurs représentations à l’étranger,
– les organismes publics locaux et régionaux,
– les collectivités locales,
– les instances judiciaires, le conseil supérieur de magistrature, la cour constitutionnelle, la cour des comptes,
– les instances constitutionnelles,
____________
(1) Travaux préparatoires :
Discussion et adoption par l’assemblée des représentants du peuple dans sa séance du 11 mars 2016.
– les instances publiques indépendantes,
– les instances de régulation,
– les personnes de droit privé chargées de gestion d’un service public,
– les organisations et les associations et tous les organismes bénéficiant d’un financement public.
Ils sont dénommés ci-après « les organismes soumis aux dispositions de la présente loi ».
Art. 3 – Au sens de la présente loi, on entend par les termes suivants :
– l’accès à l’information : la publication proactive de l’information par l’organisme concerné et le droit d’y accéder sur demande,
– information : toute information enregistrée quelque soit sa date, sa forme et son support, produite ou obtenue par les organismes soumis aux dispositions de la présente loi dans le cadre de l’exercice de leurs activités,
– le tiers : toute personne physique ou morale autre que l’organisme concerné détenteur de l’information et le demandeur d’accès à l’information.
Art. 4 – Sous réserve des articles 24 et 25 de la présente loi, le dépôt aux archives des documents contenants l’information accessible au sens de la présente loi, ne fait pas obstacle au droit d’y accéder.
Art. 5 – Tous les organismes soumis aux dispositions de la présente loi, sont tenus de prévoir les crédits nécessaires aux programmes et activités relatifs à l’accès à l’information.
Chapitre
De l’obligation de publication proactive de l’information par l’organisme concerné
Art. 6 – Les organismes assujettis aux dispositions de la présente loi, sont tenus de publier, d’actualiser, de mettre périodiquement à la disposition du public, dans une forme utilisable, les informations suivantes :
– les politiques et les programmes qui concernent le public,
– la liste détaillée des prestations fournies au public, les certificats qu’il délivre aux citoyens et les pièces nécessaires pour leurs obtentions, les conditions, les délais, les procédures, les parties et les étapes de leurs prestations,
– les textes juridiques, réglementaires et explicatifs régissant son activité,
– les fonctions qui lui sont assignées, son organigramme, l’adresse de son siège principal et de tous ses sièges secondaires, la voie d’accès et de communication avec lui et le budget qui lui a été alloué détaillé,
– les informations relatives à ses programmes et surtout les réalisations en relation avec son activité,
– la liste nominative des chargés d’accès à l’information, comportant les données prévues au paragraphe premier de l’article 32 de la présente loi et leurs adresses électroniques professionnelles,
– la liste des documents disponibles en version électronique ou papier relatives aux prestations fournies et les ressources qui leurs ont été prévues,
– les conditions d’octroi des autorisations fournies par l’organisme,
– les marchés publics programmés ayant engagement de leur budget, que l’organisme compte contracter et les résultats escomptés de leur mise en œuvre,
– les rapports des instances de contrôle conformément aux standards professionnels internationaux,
– les conventions que l’Etat compte y adhérer ou ratifier,
– les informations statistiques, économiques et sociales y compris les résultats et les rapports des recensements statistiques détaillés conformément aux exigences de la loi relative au recensement,
– toute information relative aux finances publiques y compris les données détaillées liées au budget au niveau central, régional et local, les données relatives à l’endettement public et les comptes nationaux, la répartition des dépenses publiques et les principaux indicateurs des finances publiques,
– les informations disponibles relativement aux programmes et services sociaux.
Art. 7 – Compte tenu des moyens disponibles pour les organismes prévus par le dernier tiret de l’article 2 de cette loi, les informations prévues par l’article 6 de la présente loi, doivent être publiées sur un site web et mises à jour au moins une fois tous les trois (3) mois et suite à tout changement les affectant, avec mention obligatoire de la date de la dernière mise à jour.
Ce site doit comporter en plus des informations précitées, ce qui suit :
– le cadre juridique et réglementaire régissant l’accès à l’information,
– les formulaires des demandes d’accès à l’information, les procédures du recours gracieux et le service chargé de leur réception auprès de l’organisme concerné,
– les rapports produits par l’organisme concerné, relatifs à la mise en œuvre des dispositions de cette loi, y compris les rapports trimestriels et annuels mentionnés aux points 3 et 4 de l’article 34 de la présente loi.
Art. 8 – Les organismes soumis aux dispositions de la présente loi, doivent, d’une manière proactive, publier les informations ayant fait l’objet d’au moins deux demandes répétitives, pourvu qu’elles ne soient pas couvertes par les exceptions prévues par les articles 24 et 25 de la présente loi.
Chapitre 3
De l’accès à l’information sur demande
Section première – Des procédures de présentation de la demande d’accès à l’information
Art. 9 – Toute personne physique ou morale peut présenter une demande écrite d’accès à l’information conformément à un modèle préétabli, mis à la disposition du public par l’organisme concerné ou sur papier libre contenant les mentions obligatoires prévues aux articles 10 et 12 de la présente loi.
Le chargé d’accès à l’information est tenu de fournir l’assistance nécessaire au demandeur d’accès à l’information, dans le cas d’handicape ou d’incapacité de lecture ou d’écriture ou encore lorsque le demandeur serait atteint d’une incapacité auditive ou visuelle.
Le dépôt de la demande se fait, soit directement auprès de l’organisme concerné contre la délivrance obligatoire d’un récépissé, soit par lettre recommandée ou par fax ou par courrier électronique avec accusé de réception.
Art. 10 – La demande d’accès à l’information doit obligatoirement comporter le nom, le prénom et l’adresse s’il s’agit d’une personne physique, la dénomination sociale et le siège social s’il s’agit d’une personne morale ainsi que les précisions nécessaires relatives à l’information demandée et l’organisme concerné.
Art. 11 – Le demandeur d’accès à l’information n’est pas tenu de mentionner dans la demande d’accès, les motifs ou l’intérêt justifiant sa demande.
Art. 12 – Lors de la formulation de la demande, il est impératif de préciser la modalité d’accès à l’information parmi les modalités suivantes :
– la consultation de l’information sur place si celle-ci ne lui cause aucun dommage,
– l’obtention d’une copie papier de l’information,
– l’obtention d’une copie électronique de l’information, autant que c’est possible,
– l’obtention d’extraits de l’information.
L’organisme concerné doit fournir l’information suivant la forme demandée.
A défaut, l’organisme concerné doit fournir l’information dans la forme disponible.
Art. 13 – Dans le cas où la demande d’information ne comporte pas toutes les mentions prévues aux articles 10 et 12 de la présente loi, le chargé d’accès à l’information doit en aviser le demandeur d’accès à l’information, par tout moyen laissant une trace écrite, dans un délai ne dépassant pas quinze (15) jours à compter de la date de sa réception de la demande.
Section 2 – De la réponse aux demandes d’accès à l’information
Art. 14 – L’organisme concerné doit répondre à toute demande d’accès à l’information dans un délai ne dépassant pas vingt (20) jours, à compter de la date de réception de la demande ou de celle de sa correction.
Si la demande a pour objet, la consultation de l’information sur les lieux, l’organisme concerné doit en répondre dans un délai de dix (10) jours, à compter de la date de réception de la demande ou de celle de sa correction.
En cas de rejet de la demande, la décision de refus doit être écrite et motivée avec mention des délais, des modalités de recours et des structures compétentes pour en statuer conformément aux articles 30 et 31 de la présente loi.
Art. 15 – Le silence de l’organisme concerné à l’issue du délai légal prévu par les dispositions de la présente loi, vaut refus implicite, ouvrant pour le demandeur d’accès à l’information, les voies de recours conformément aux procédures prévues aux articles 30 et 31 de la présente loi.
Art. 16 – L’organisme concerné n’est pas tenu de répondre plus d’une fois au demandeur en cas de demandes répétitives portant sur la même information sans motif valable.
Art. 17 – Si la demande d’accès à l’information aurait des conséquences sur la vie ou la liberté d’une personne, l’organisme concerné est tenu de veiller à y répondre, par tout moyen laissant une trace écrite et immédiatement, à condition de ne pas dépasser le délai de quarante huit (48) heures à compter de la date de présentation de la demande et de motiver le rejet conformément aux dispositions du troisième paragraphe de l’article 14 de la présente loi.
Art. 18 – Dans le cas où l’information objet de demande est détenue par un organisme autre que celui auprès duquel la demande a été déposée, le chargé d’accès doit informer le demandeur de son incompétence ou du transfert de sa demande à l’organisme concerné, et ce, dans un délai maximum de cinq (5) jours à compter de la date de réception de la demande.
Art. 19 – Le délai prévu à l’article 14 de la présente loi, peut être prolongé de dix (10) jours avec notification au demandeur d’accès, lorsque la demande porte sur l’obtention ou la consultation de plusieurs informations détenues par le même organisme.
Art. 20 – Lorsque l’information demandée a été fournie, à titre confidentiel, par un tiers à l’organisme, ce dernier est tenu, après information du demandeur, de consulter le tiers en vue d’obtenir son avis motivé, quant à la diffusion partielle ou totale de l’information, et ce, dans un délai maximum de trente (30) jours à compter de la date de réception de la demande d’accès par lettre recommandée avec accusé de réception. L’avis du tiers est contraignant pour l’organisme concerné.
Le tiers doit présenter sa réponse dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de réception de la demande de consultation.
Le défaut de réponse dans les délais précités, vaut accord tacite du tiers.
Art. 21 – Dans le cas où la demande d’accès porte sur une information déjà publiée, le chargé d’accès doit en informer le demandeur et lui préciser le site de publication.
Art. 22 – S’il est prouvé que l’information obtenue par le demandeur d’accès, est incomplète, les organismes soumis aux dispositions de la présente loi, doivent mettre à sa disposition, toutes les données supplémentaires et explicatives nécessaires.
Section 3 – Des frais exigés
Art. 23 – Toute personne a gratuitement droit d’accès à l’information. Toutefois, si la fourniture de l’information nécessite des frais supportés par l’organisme concerné, le demandeur sera pré-informé de la nécessité de payer un montant à condition qu’il ne dépasse pas les coûts réels supportés par l’organisme concerné.
L’information demandée ne sera fournie qu’après justification du paiement du montant dû.
Chapitre 4
Des exceptions au droit d’accès à l’information
Art. 24 – L’organisme concerné ne peut refuser l’accès à l’information que lorsque ceci entraînerait un préjudice à la sécurité ou la défense nationale ou les relations internationales y liées ou les droits du tiers quant à la protection de sa vie privée, ses données personnelles et sa propriété intellectuelle.
Ces domaines ne sont pas considérés comme des exceptions absolues au droit d’accès à l’information. Ils sont soumis au test de préjudice à condition que ce dernier soit grave quel qu’il soit concomitant ou postérieur. Ils sont aussi soumis au test de l’intérêt public de l’accessibilité ou l’inaccessibilité à l’information quant à chaque demande. La proportionnalité entre les intérêts voulant les protégés et la raison de la demande d’accès, sera prise en compte.
En cas de refus, le demandeur d’accès sera informé par une lettre motivée. L’effet de refus prend fin avec l’expiration des motifs exprimés par la réponse à la demande d’accès.
Art. 25 – Le droit d’accès à l’information ne comprend pas les données relatives à l’identité des personnes ayant présenté des informations pour dénoncer des abus ou des cas de corruption.
Art. 26 – Les exceptions prévues à l’article 24 de la présente loi, ne s’appliquent pas :
– aux informations dont la divulgation est nécessaire en vue de dévoiler des violations graves aux droits de l’Homme ou des crimes de guerre ou les investigations y liées ou la poursuite de ses auteurs, à condition de ne pas porter atteinte à l’intérêt suprême de l’Etat,
– en cas d’obligation de faire prévaloir l’intérêt public sur le préjudice pouvant toucher l’intérêt à protéger, en raison d’une menace grave pour la santé ou la sécurité ou l’environnement ou par conséquent à la commission d’un acte criminel.
Art. 27 – Si l’information demandée est partiellement couverte par l’une des exceptions prévues aux articles 24 et 25 de la présente loi, l’accès à cette information n’est permis qu’après occultation de la partie concernée par l’exception, autant que cela est possible.
Art. 28 – L’information inaccessible au sens de l’article 24 de la présente loi, devient accessible conformément aux délais et conditions prévus par la législation en vigueur relative aux archives.
Chapitre 5
Des recours contre les décisions de l’organisme relatives au droit d’accès à l’information
Art. 29 – Le demandeur d’accès à l’information insatisfait de la décision prise au sujet de sa demande, peut faire un recours gracieux auprès du chef de l’organisme concerné, dans un délai ne dépassant pas les vingt (20) jours suivants la notification de la décision.
Le chef de l’organisme est tenu de lui répondre dans les plus brefs délais possibles à condition de ne pas dépasser un délai maximum de dix (10) jours à compter de la date du dépôt de la demande en révision.
Le silence du chef de l’organisme concerné, pendant ce délai, vaut refus tacite.
Le demandeur d’accès à l’information peut faire un recours directement auprès de l’instance d’accès à l’information mentionnée à l’article 37 de la présente loi.
Art. 30 – En cas de refus de la demande par le chef de l’organisme concerné ou en cas de défaut de réponse de sa part à l’expiration du délai de dix (10) jours à compter de la date de réception de la demande de révision, le demandeur d’accès peut interjeter appel devant l’instance d’accès à l’information mentionnée à l’article 37 de la présente loi, et ce, dans un délai ne dépassant pas les vingt (20) jours à compter de la réception de la décision du refus du chef de l’organisme ou de la date du refus tacite.
L’instance statue sur le recours dans les plus brefs délais à condition de ne pas dépasser les quarante cinq (45) jours à compter de la réception de la demande de recours, sa décision est contraignante pour l’organisme concerné.
Art. 31 – Le demandeur d’accès ou l’organisme concerné peuvent interjeter appel contre la décision de l’instance chargée d’accès à l’information, auprès du tribunal administratif, dans un délai de trente (30) jours à compter de la date de notification de cette décision.
Chapitre 6
Du chargé d’accès à l’information
Art. 32 – Tout organisme assujetti aux dispositions de la présente loi, doit désigner un chargé d’accès à l’information et son suppléant par décision prise à cet effet, comportant les principales données permettant d’identifier leurs identités, leurs grades et leurs emplois fonctionnels.
L’instance d’accès à l’information mentionnée à l’article 37 de la présente loi, doit en être avisée dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de sa signature et cette décision doit être publiée sur le site web de l’organisme concerné.
Art. 33 – Les organismes soumis aux dispositions de la présente loi, peuvent organiser les différentes activités relatives à l’accès à l’information dans le cadre d’un organisme interne créé à cet effet, présidé par le chargé d’accès à l’information et rattaché directement au chef de l’organisme.
Les conditions de création de cet organisme interne, sont fixées par décret gouvernemental.
Art. 34 – Le chargé d’accès à l’information est tenu notamment de :
1. Réceptionner les demandes d’accès à l’information, les traiter et en répondre.
2. Assurer la coordination entre l’organisme concerné auquel il est rattaché et l’instance d’accès à l’information mentionnée à l’article 37 de la présente loi.
3. Préparer un plan d’action pour la consécration du droit d’accès à l’information en coordination avec les premiers responsables de l’organisme concerné, comportant des objectifs clairs et un calendrier à cet effet, fixant les étapes, les délais et le rôle de chaque intervenant, et ce, sous la tutelle du chef de l’organisme concerné.
Les premiers responsables de l’organisme concerné, doivent faciliter la tâche du chargé d’accès à l’information, coordonner avec lui et lui fournir les données nécessaires pour l’élaboration du plan d’action.
Le chargé d’accès prépare à cet effet, un rapport trimestriel qu’il transmet dans les quinze (15) jours suivants chaque trimestre, au chef de l’organisme concerné.
4. Préparer un rapport d’activité annuel relatif à l’accès à l’information dans le premier mois de l’année suivant l’année de l’exercice et le transmettre après sa validation par le chef de l’organisme, à l’instance d’accès à l’information. Ce rapport comporte les suggestions, les recommandations nécessaires pour renforcer la consécration du droit d’accès à l’information ainsi que des données statistiques sur le nombre des demandes d’accès déposées, les demandes objet de réponse, les refus, les demandes de recours gracieux, les réponses et délais y afférents, en plus des mesures prises en matière d’accès à l’information sur initiative de l’organisme concerné, la gestion des documents et la formation des agents.
5. Suivre la mise en œuvre du plan d’action et l’actualiser, sous la tutelle du chef de l’organisme concerné.
Art. 35 – Les responsables des départements administratifs au sein des organismes soumis aux dispositions de la présente loi, doivent mettre à la disposition du chargé d’accès, l’information demandée, lui fournir l’assistance nécessaire et lui permettre les facilitations nécessaires et possibles.
Art. 36 – Les organismes soumis aux dispositions de la présente loi, peuvent sur propre initiative ou suite à la proposition du chargé de l’accès à l’information, créer des commissions consultatives chargées de l’accès à l’information qui donne consultation au chargé d’accès et leurs agents, sur toutes les questions relatives à la mise en œuvre de la présente loi.
Les commissions consultatives chargées d’accès à l’information mentionnées au paragraphe premier du présent article, sont créées par décision du chef de l’organisme concerné.
Chapitre 7
De l’instance d’accès à l’information
Art. 37 – Est créée une instance publique autonome, dénommée « Instance d’accès à l’information », dotée de la personnalité morale et dont le siège est à Tunis. Elle est mentionnée, ci-après, « l’Instance ».
Section première – Des missions et attributions de l’Instance
Art. 38 – L’Instance est notamment chargée, de :
– statuer sur les recours qui lui sont soumis en matière d’accès à l’information. Elle peut à cet effet et en cas de besoin, mener les investigations nécessaires sur place auprès de l’organisme concerné, accomplir toutes les procédures d’instruction et auditionner toute personne dont l’audition est jugée utile,
– informer tous les organismes concernés et le demandeur d’accès personnellement, de ses décisions,
– publier ses décisions sur son propre site web,
– suivre l’engagement en matière de diffusion proactive, sur initiative de l’organisme concerné, des informations mentionnées aux articles 6, 7 et 8 de la présente loi, et ce, par auto saisine de la part de l’instance ou suite à des requêtes émanant d’un tiers,
– émettre obligatoirement un avis sur les projets de lois et les textes réglementaires ayant lien avec le domaine d’accès à l’information,
– promouvoir la culture d’accès à l’information en coordination avec les organismes soumis aux dispositions de la présente loi et la société civile, à travers des actions de sensibilisation et de formation destinées au public,
– évaluer périodiquement la consécration du droit d’accès à l’information par les organismes soumis aux dispositions de la présente loi,
– préparer un rapport d’activité annuel contenant les suggestions et les recommandations nécessaires à la consécration du droit d’accès à l’information, ainsi que des données statistiques concernant le nombre des demandes d’accès à l’information, le nombre des recours, les réponses et les délais y afférents, ses décisions prises et le suivi annuel de leurs mises en œuvre par les organismes soumis aux dispositions de la présente loi,
– échanger les expériences et l’expertise avec ses homologues étrangères et les organisations internationales spécialisées et conclure des conventions de coopération dans ce domaine.
L’instance soumet le rapport annuel au Président de la République, au président de l’assemblée des représentants du peuple et au chef du gouvernement. Ce rapport sera publié au public sur le site web de l’instance.
Art. 39 – Les responsables des organismes soumis aux dispositions de la présente loi, doivent fournir à l’Instance d’accès à l’information, toutes les facilitations possibles et indispensables à l’exercice de ses fonctions.
Section 2 – De la composition de l’Instance
Art. 40 – L’Instance se compose d’un conseil et d’un secrétariat permanent.
Art. 41 – Le conseil de l’Instance se compose de neuf (9) membres, comme suit :
– un juge administratif, Président,
– un juge judiciaire, vice-président,
– un membre du conseil national des statistiques, membre,
– un professeur universitaire spécialisé en technologie de l’information, ayant un grade de professeur d’enseignement supérieur ou de maître de conférence, membre,
– un expert en documents administratifs et en archives, membre,
– un avocat, membre,
– un journaliste, membre.
Ils doivent impérativement justifier d’une expérience d’au moins dix (10) ans de travail effectif, à la date de présentation de la candidature.
– un représentant de l’Instance de protection des données personnelles, y ayant assumé une responsabilité pour une période d’au moins deux (2) ans, membre,
– un représentant des associations actives dans les domaines ayant lien avec l’accès à l’information, membre.
Il doit avoir occupé un poste de responsabilité pour une période d’au moins deux (2) ans, au sein de l’une de ces associations.
Art. 42 – Le candidat au poste de membre du conseil de l’instance, doit satisfaire les conditions suivantes :
– être de nationalité tunisienne,
– ne doit pas avoir d’antécédents judiciaires pour crimes intentionnels,
– doté de l’autonomie, la transparence et l’impartialité,
– doté de l’expérience et la compétence dans les domaines liés au sujet d’accès à l’information.
Est déchu de son mandat, tout membre ayant présenté des données erronées et sera inéligible pour les deux mandats suivants.
Art. 43 – Le chef du gouvernement nomme les membres de l’instance suivant les modalités et procédures suivantes :
– L’appel à candidature est ouvert sur décision du président de la commission spécialisée au sein de l’assemblée des représentants du peuple qui sera publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne, fixant le délai et les modalités de dépôt des candidatures ainsi que les conditions à remplir,
– La commission spécialisée au sein de l’assemblée des représentants du peuple choisit et classe les trois (3) meilleurs candidats, pour chaque poste, à la majorité de trois cinquième 3/5 de ses membres par vote secret sur les noms.
– Les candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix, sont retenus selon leur classement. En cas d’égalité des voix entre un homme et une femme, cette dernière sera retenue et en cas d’égalité des voix entre deux hommes, le plus jeune sera retenu.
– Le président de l’assemblée des représentant du peuple transmet à l’assemblée générale une liste comportant le classement des trois (3) meilleurs candidats pour chaque poste, afin de choisir les membres de l’instance.
– L’assemblée générale de l’assemblée des représentants du peuple vote pour choisir un candidat pour chaque poste, par majorité absolue de ses membres et par vote secret.
– Le président de l’assemblée des représentants du peuple transmet la liste des membres de l’instance votés par l’assemblée générale, au chef du gouvernement qui procède à leur nomination par décret gouvernemental.
Art. 44 – Les membres de l’instance, mentionnés à l’article 41 de la présente loi, sont nommés pour un mandat de six (6) ans non renouvelable.
Avant l’exercice de leurs fonctions, le président et les membres de l’instance prêtent, devant le Président de la République, le serment suivant : « Je jure par Dieu, le tout-puissant, d’accomplir mes fonctions avec loyauté, honneur, indépendance et de préserver le secret professionnel ».
Art. 45 – Le renouvellement de la composition de l’instance se fait par moitié tous les trois (3) ans, conformément aux procédures prévues par la présente loi.
Le président de l’instance notifie à la commission spécialisée au sein de l’assemblée des représentants du peuple, la liste des membres concernés par le renouvellement et la date de fin de leur mandat, et ce, trois (3) mois avant l’expiration de leur mandat.
Les membres dont le mandat est expiré, continuent à exercer leurs fonctions au sein de l’Instance, jusqu’à la prise de fonctions des membres nouveaux.
Art. 46 – Contrairement aux dispositifs de l’article 45 de la présente loi, la moitié des membres de l’instance sera renouvelée au cours du premier mandat suite à la fin de la troisième année de ce mandat, et ce, par tirage au sort selon les modalités et les conditions prévues par la présente loi. Le président de l’Instance n’est pas concerné par le renouvellement par moitié. Son mandat est de six (6) ans.
Art. 47 – Le conseil de l’instance exerce les attributions suivantes, objet du premier, deuxième et sixième tirets de la présente loi. Il assure également :
– la tutelle sur le fonctionnement du travail de l’instance,
– le choix du secrétaire général de l’instance hors de ses membres. Il doit répondre aux conditions de nomination d’un directeur général d’une administration générale,
– la désignation d’un cadre administratif parmi les agents de l’instance, qui sera chargé de rapporter ses délibérations,
– la proposition de l’organigramme de l’instance,
– l’adoption du règlement intérieur de l’instance,
– la proposition du projet de budget de l’instance,
– l’adoption du rapport annuel de l’instance.
Art. 48 – L’instance est pourvue de services administratifs composés d’agents détachés des administrations publiques et d’agents recrutés conformément au statut particulier des agents de l’instance.
Le statut particulier des agents de l’instance, mentionné au premier alinéa, est fixé par décret gouvernemental.
L’organigramme de l’instance est approuvé par décret gouvernemental conformément à une proposition du conseil de l’instance.
Art. 49 – Les indemnités et les privilèges du président de l’instance, du vice-président ainsi que ceux de ses membres, sont fixés par décret gouvernemental.
Le président de l’instance et son vice-président sont tenus obligatoirement d’exercer leurs fonctions à plein temps.
Section 3 – Du fonctionnement de l’Instance
Art. 50 : L’instance se réunit suite à une convocation de son président, et ce, une fois tous les quinze (15) jours et chaque fois en cas de besoin.
Les réunions de l’instance sont présidées par le président ou par le vice-président, si nécessaire. Le président de l’instance propose et fixe l’ordre du jour des réunions.
Le président de l’instance peut inviter toute personne dont sa présence aux réunions est jugée utile vu sa compétence se rapportant aux questions présentées à l’ordre du jour, et ce, sans participer au vote.
Les délibérations de l’instance se déroulent à huis clos en présence de la majorité de ses membres, au minimum.
En l’absence du quorum, une réunion sera correctement tenue après une demi-heure de son rendez-vous quelque soit le nombre des membres présents.
L’instance prend ses décisions par vote à la majorité des voix des membres présents.
Les délibérations de l’instance et ses décisions sont consignées dans un procès-verbal signé par le président de l’instance et par tous les membres présents.
Art. 51 – Il est interdit aux membres de l’instance de participer à ses délibérations, et ce, dans les cas suivants :
– s’ils ont un intérêt direct ou indirect lié à l’objet de la délibération,
– s’ils ont participé directement ou indirectement dans la prise de décision objet de la réunion.
Art. 52 – Tout membre de l’instance est tenu de sauvegarder le secret professionnel dans tout ce qui est porté à sa connaissance des documents ou données ou renseignements concernant les affaires du ressort de l’instance et de ne pas les exploiter à des fins autres que celles requises par les attributions qui lui sont confiées, même après l’expiration de ses fonctions.
Art. 53 – Il est possible de mettre fin aux fonctions des membres de l’instance avant la fin de leur mandat par décret gouvernemental sur proposition du président de l’instance sur la base du vote par la majorité des voix des membres et après audition du membre concerné, et ce, dans les cas suivants :
– faute grave relative au non-respect des obligations professionnelles ou l’absence non justifiée pendant trois (3) réunions consécutives ou pendant six (6) réunions non consécutives pendant douze (12) mois,
– la participation dans les délibérations de l’instance dans les cas mentionnés à l’article 51 de la présente loi,
– la divulgation ou la confession des informations ou des documents obtenus lors de l’exercice des fonctions au sein de l’instance.
– la perte de l’une des conditions de candidature à l’instance.
Art. 54 – Les vacances pour cause de décès, de démission, de révocation ou d’handicape absolu sont constatées et consignées par l’instance dans un procès-verbal spécial qui sera transmis à l’assemblée des représentants du peuple pour les remplir.
Section 4 – Des fonctions du président de l’instance
Art. 55 – Le président de l’instance est son représentant légal. Il veille au déroulement de ses travaux et il exerce, dans le cadre des attributions qui lui sont confiées, les prérogatives suivantes :
– la supervision administrative et financière de l’instance ainsi que ses agents,
– la supervision de l’élaboration du projet du budget annuel de l’instance,
– la supervision de l’élaboration du rapport annuel de l’instance.
Le président de l’instance peut aussi déléguer certaines de ses prérogatives à son vice-président ou à tout membre de l’instance.
Section 5 – Des ressources de l’Instance
Art. 56 – Les ressources financières de l’instance sont composées de :
– subventions allouées par l’Etat,
– recettes provenant des activités et services de l’instance,
– dons fournis à l’instance conformément à la législation et aux réglementations en vigueur,
– autres recettes attribuées à l’instance par la loi ou par un texte réglementaire.
Les règles d’ordonnancement et de la tenue des comptes de l’instance sont soumises au code de la comptabilité publique.
Chapitre 8
Des sanctions
Art. 57 – Est puni d’une amende allant de cinq cents (500) dinars jusqu’aux cinq mille (5.000) dinars, quiconque qui entrave intentionnellement l’accès à l’information au sein des organismes soumis aux dispositions de la présente loi.
Est puni de la sanction prévue par l’article 163 du code pénal, quiconque qui endommage intentionnellement l’information d’une manière illégale ou qui incite une autre personne pour le commettre.
Art. 58 – Hormis les sanctions prévues par l’article 57 de la présente loi, tout agent public ne respectant pas les dispositions de cette loi organique, sera objet de poursuites disciplinaires conformément à la législation en vigueur.
Chapitre 9
Dispositions transitoires et finales
Art. 59 – Sous réserve de l’alinéa 2 de l’article 61, la présente loi entre en vigueur dans un délai d’une année à compter de la date de sa publication au Journal Officiel et elle annule et substitue, à compter de cette date, le décret-loi n° 2011-41 daté du 26 mai 2011, relatif à l’accès aux documents administratifs des organismes publics, tel que modifié et complété par le décret-loi n° 2011-54 du 11 juin 2011.
Art. 60 – Les organismes publics soumis aux dispositions de la présente loi, doivent :
– réaliser un site web officiel et publier les guides mentionnés au septième tiret de l’article 38 de la présente loi, dans un délai de six (6) mois à compter de la date de publication de la présente loi,
– finaliser l’organisation de leurs archives dans un délai ne dépassant pas une année au maximum, à compter de la date de publication de la présente loi,
– mettre en place et exploiter un système de classification des documents administratifs qu’ils détiennent, afin de faciliter le droit à l’accès à l’information, et ce, dans un délai ne dépassant pas une année à compter de la date de publication de la présente loi,
Assurer la formation nécessaire en matière d’accès à l’information, à leurs agents.
Art. 61 – L’instance commence l’exercice de ses fonctions au plus tard dans un délai d’une année à compter de la date de publication de la présente loi.
Le tribunal administratif continue à statuer sur les demandes de recours contre les décisions de refus d’accès à l’information sous son regard avant le commencement de l’instance de son exercice, et ce, conformément aux règles et procédures prévues par le décret-loi n° 2011-41 daté du 26 mai 2011, relatif à l’accès aux documents administratifs des organismes publics tel que modifié et complété par le décret-loi n° 2011-54 du 11 juin 2011.
La présente loi organique sera publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne et exécuté en tant que loi de l’Etat.
Tunis le 24 mars 2016.
Le Président de la République
Mohamed Béji Caïd Essebsi

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